3e plan de licenciement chez Sanyoshokai, emblème nippon de prêt-à- porter de luxe.

Le 21 septembre, l’une des plus anciennes maisons de prêt-à-porter japonaises et major du secteur, la société Sanyoshokai, a publié son plan de licenciement sous forme de départ volontaire. Il s’agit de son troisième vaste plan de licenciement.

La société était connue pour avoir longtemps été le distributeur exclusif de la marque de luxe BURBERRY, devenue sa seule source de profit au fil des temps. Le développement  spectaculaire de la vente des vêtements en ligne et la diminution progressive du nombre de grands magasins ont contraint Sanyoshokai à réduire sa voilure. Les habitudes de consommation dans le secteur d’habillement ont drastiquement changé ces dernières années à cause de la montée en puissance  du marché des vêtements d’occasion, ce qui menace  aujourd’hui l’existence même de cette maison de prêt-à-porter historique.

 La direction a ciblé mille employés du service commercial et marketing pour leur proposer la possibilité de bénéficier d’un plan de départ volontaire assorti des indemnités légales de départ, de primes spéciales et d’un accompagnement au reclassement. 250 d’entre eux sont invités à se prononcer entre le 29 octobre et le 26 novembre.

Les frais d’indemnisation et ceux engagés pour l’aide au reclassement seront comptabilisés comme pertes exceptionnelles dans le bilan annuel qui clôturera en décembre 2018. La somme de ces pertes est en cours d’évaluation. La direction n’a pas encore décidé pour le moment si elle va réduire le salaire des dirigeants.

 Les salariés ciblés sont appelés à faire un choix difficile. En à peine un mois le processus sera lancé et pour certains d’entre eux leur dernier jour de travail sera fixé au 31 décembre soit dans trois mois à compter d’aujourd’hui.

Sanyoshokai est née en 1942 à Tokyo dans le quartier d’Itabashi. A l’origine spécialisée dans la fabrication et la vente des vêtements, elle signe un contrat de partenariat exclusif  en 1970 avec la maison anglaise BURBERRY pour importer et diffuser ses produits dans les principaux grands magasins du Japon. Dans les années 1990 l’icône de la pop japonaise Namie AMURO a élevé la célèbre jupe à carreaux au rang de produit tendance le plus convoité des grands magasins nippons. La vente des vêtements de la marque BURBERRY représentait près de la moitié du chiffre d’affaire de Sanyoshokai à son apogée mais le contrat de distribution exclusive a pris fin en 2015.

A l’époque où les marques célèbres de vêtement se diffusaient uniquement dans les grands magasins, les géants du prêt-à-porter y exposaient dès le printemps la collection automne-hiver. Leur tâche était de coordonner et gérer avec les grands magasins le volume des ventes.  Dans une époque où l’économie était encore en croissance et où les consommateurs ne juraient que par la notoriété des grandes marques, cette technique de marketing avait un sens. Les enseignes de prêt-à-porter avaient un pouvoir de négociation énorme , au point où « elles décidaient, dans les faits, du sort des directeurs de grands magasins » se remémore un directeur d’un grand magasin.

C’est à partir des années deux milles avec l’essor des marques de prêt-à-porter bon marché comme UNIQLO ou ZARA que le vent tourna radicalement pour les distributeurs traditionnels de vêtements.

 Le secret de l’ascension fulgurante de  Fast Retailing détenteur de la marque UNIQLO, réside dans sa vitesse à capter les dernières tendances de la mode, et assurer elle-même une totale maîtrise de la conception, de la production et de la vente au détail. Aujourd’hui cette méthode fait école et copiée dans le secteur de la mode.

Dans le même temps un bouleversement structurel est apparu dans la façon d’acheter les vêtements. Le nombre d’utilisateurs de
Zozo Town, plateforme de vente en ligne des vêtements de marques a explosé ces dernières années. De plus les consommateurs ne sont plus réticents à acheter les vêtements d’occasion comme en témoigne le succès phénoménal de la plateforme CtoC ,Mercari, véritable marché aux puces digital qui met en relation les particuliers désireux de vendre ou d’acheter les produits en tout genre.

En 2017 le ministère de l’économie et de l’industrie (MITI) évalue à près de 1645 milliards 400 millions de yen (env 12 milliards 855 millions EUR)  le montant des transactions effectuées pour l’achat des articles de mode sur les boutiques en ligne, soit une augmentation de 40% par rapport à 2013.

Les consommateurs se sont éloignés des grands magasins en raison de la perte de leur pouvoir d’achat due à une conjoncture économique moribonde. La vente des vêtements dans les boutiques physiques a décliné pendant quatre années consécutives jusqu’en 2017. La société Sanyoshokai a donc raté le virage de la transition numérique. Un ancien salarié de la société affirme que durant toutes ces années la société « n’avait pas pleinement conscience du danger et avait couvert les pertes des activités déficitaires en s’appuyant seulement sur les bénéfices de vente des produits Burberry. Elle a négligé de lancer de nouvelles marques ».

Sanyoshokai avait déjà procédé au licenciement de près de 500 employés en 2016. Ses ventes continuent de dépendre des grands magasins qui assurait encore près de 70% du chiffre d’affaire en 2017. En février 2018, la société annonça qu’elle vendait sa propriété l’immeuble Aoyama Bldg dans le quartier de Minatoku. Le nouveau plan de licenciement annoncé aujourd’hui démontre que leur plan d’économie ne tient plus. Un autre ancien employé qui souhaite rester anonyme accuse la direction de « privilégier leur volonté de retour aux bénéfices à tout prix aux dépens de l’investissement dans le marketing digital ». Les résultats d’exploitation de Sanyoshokai pour 2018 tomberont dans le rouge avec une estimation de 1600 millions JPY (env 12 millions 500 000EUR) de déficit, loin derrière sa prévision initiale de 50 millions JPY (env 390 625 EUR) de bénéfice.

D’autres entreprises historiques du secteur tentent de sortir de leur dépendance aux grands magasins.

C’est le cas du géant traditionnel de l’habillement Onward Holdings ltd. qui vient de nouer en juillet un partenariat global avec une jeune société Stripe Int’l fabricant de vêtements casual et fournisseurs de centre commerciaux, pour la création conjointe de produits et d’un site internet de vente en ligne. A l’échelle régionale le fabricant World ltd. basé à Kobe a multiplié les investissements dans des start up spécialisés dans la location ou la vente des vêtements d’occasion à destination des jeunes.

Les opérations de partenariat entre  nouveaux et anciens acteurs du secteur  sont monnaie courante à l’étranger , comme en démontre l’achat en 2017 de la marque BONOBOS connue pour ses vêtements casual par le géant de la distribution Walmart pour 310 millions USD aux Etats-Unis.

Malgré un changement structurel dans le mode de consommation, les marques de prêt-à-porter conservent encore un avantage concurrentiel dans la capacité à créer de nouveaux concepts et de nouveaux produits. Les vendeurs des grands magasins apprécient leur savoir-faire et leur travail soigné.

  Le licenciement chez Sanyoshokai ne serait-il pas un mauvais signal pour toute la filière ? Un ancien salarié soupire en déplorant que chez Sanyoshokai « les commerciaux et les chargés de projets sont tous partis. Seul les cadres qui ne vendent rien sont restés ».

Le fondateur de l’enseigne Nobuyuki YOSHIHARA ne cessait de répéter de son vivant de prendre soin du personnel. Or ironiquement le troisième plan de licenciement risque de provoquer la perte du précieux capital humain, la seule force de l’industrie textile.

  (Source NIKKEI 21/09/2018 三陽商会、3度目のリストラ ⽼舗アパレルはどこへ)

8 réponses sur “3e plan de licenciement chez Sanyoshokai, emblème nippon de prêt-à- porter de luxe.”

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