Ces lois japonaises méconnues qui sont de véritables obstacles à l’innovation

ces lois japonaises méconnues qui sont de véritables obstacles à l'innovation
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Au moment où la crise sanitaire impose partout dans le monde de nouvelles normes, les entreprises doivent réagir vite. Or, les Japonais peinent à avancer. En cause, les réglementations  inadaptées qui freinent leur élan.  Tour d’horizon de ces  lois japonaises méconnues qui sont de véritables obstacles à l’innovation.

Application de covoiturage, un chemin de croix

Le fondateur d’Azit, première startup japonaise  à proposer depuis 2013 une application de covoiturage aux particuliers, est aujourd’hui dans l’amertume. Hiromasa YOSHIKANE a dû se résigner à suspendre temporairement ses services. En cause,  la pression du ministère des transports qui vient de lui rappeler le caractère potentiellement illégal de ses activités au regard des lois sur la lutte contre les taxis clandestins. De plus, les deux mois de confinement ont été comme un coup de grâce pour l’entreprise déjà  en difficulté. Son application CREW n’a pourtant pas cessé définitivement. 

 Sept ans plus tôt, YOSHIKANE avait cru trouver un business model viable. Il a  habilement contourné les réglementations japonaises parmi les plus draconiennes au monde. En effet, si elles interdisent les chauffeurs (les particuliers)  à être rémunérés par les passagers au risque d’être punis pour exercice illicite de taxi, elles ne disent rien sur les autres formes de paiements aux dénominations diverses. 

Ainsi, YOSHIKANE avait eu l’idée de faire faire aux passagers  « un don » dont le montant sera négocié directement entre eux et les chauffeurs en fonction des frais engagés (frais d’entretien du véhicule et d’utilisation d’application,  essence, péage etc.).    De quoi irriter la fédération nippone des entreprises de taxi qui fit pression au ministre japonais des transports. L’affaire a même provoqué un débat houleux à la Diète. Ce n’est qu’après de longues négociations et au prix de nombreuses concessions qu’Azit a pu commencer à opérer  dans des zones reculées de l’archipel. Là où  la pénurie des chauffeurs de taxi demeure importante. Pour l’heure, l’application d’Azit est exclue des grandes villes et des métropoles.

Livraison à domicile, concessions au cas par cas

Durant le confinement, tout comme le reste du monde, les Nippons se sont  fait massivement  livrés  à domicile les denrées alimentaires et autres produits de première nécessité.

Fait rare dans un pays conservateur, les compagnies de taxis furent exceptionnellement autorisées à livrer les produits alimentaires ou les plateaux repas. Le ministère japonais des transports semblait enfin disposé à assouplir les règles jusqu’au jour où il rappela à l’ordre la compagnie de taxi Sanwa (67 millions EUR CA, 1500 employés)   opérant à Yokohama qui souhaitait acheminer des produits d’hygiène comme les shampooings, en plus des plateaux repas.

Pour son PDG Eiichi YOSHIKAWA, il allait de soi de rendre service de cette façon à un moment où le confinement était à son apogée fin avril: « les transporteurs manquent de main d’œuvre, et cherchent un moyen de  livrer 24h sur 24h. Or seuls les taxis peuvent actuellement assurer un service sur une telle amplitude horaire. C’est donc gagnant-gagnant ». En revanche, le ministère n’entend pas de cette oreille. Il persiste à rappeler que seuls les transporteurs habilités continueront d’acheminer les marchandises non alimentaires.

Les transporteurs manquent de main d’œuvre, et cherchent un moyen de livrer 24h sur 24h. Or seuls les taxis peuvent actuellement assurer un service sur une telle amplitude horaire. C’est donc gagnant-gagnant

M.YOSHIKAWA pdg de Sanwa, société de taxis

Le Japon, un pays innovant ?

Le respect des règles de distanciation sociale et les nouvelles normes sanitaires continueront  à façonner les services de demain. Au Japon, le manque criant de main d’œuvre s’ajoute à la liste déjà longue des défis actuels.  La robotisation et l’automatisation accrue des services sont deux solutions sur lesquelles les entreprises nippones se penchent sérieusement.

Or, si le secteur privé semble pleinement prêt à investir dans les technologies,  les réglementations actuelles exigent encore la présence humaine dans la plus part des secteurs clés.

SECTEURS RESTRICTIONS
Maisons de retraite et résidences pour les personnes dépendantesLa loi exige la présence d’au moins un soignant  pour trois résidents. L’introduction des robots ne baissera pas le coût de fonctionnement.
Hôtels et hébergements touristiquesLa présence d’un réceptionniste n’est plus obligatoire. Mais les municipalités imposent par les arrêtés la présence physique d’un employé pour l’accueil des touristes (locations meublés).
Agriculture Pour l’acquisition d’une terre agricole, un montant minimum des capitaux investis est exigé aux personnes morales. Difficultés de financement et un frein aux transactions. Le prix reste élevé. Or il y a de moins en d’exploitants agricoles
Commerce de détailLa présence d’un employé est obligatoire dans les supérettes de proximité ouvert 24h/24h pour vendre de l’alcool et des produits laitiers. Les enseignes doivent abandonner ces produits s’ils automatisent leurs points de vente.
PharmacieUn pharmacien est autorisé à accepter seulement 40 ordonnances par jour. L’introduction des robots préparateurs de commande n’aura que peu d’impact sur la productivité.
Inspection et contrôle d’ouvrage d’art: pont, barrage etc.Le contrôle doit être effectué in situ et à l’œil nu par les experts habilités. Loi qui limite drastiquement l’usage des drones.
Les lois actuelles dans les métiers en tension et les restrictions.

En février dernier le gouvernement ABE avait mis en avant un projet ambitieux baptisé SUPER CITY afin d’adapter les réglementations actuelles à l’usage des nouvelles technologies. Mais ce projet doit aller de pair avec la réforme en profondeur de la bureaucratie synonyme de lourdeur à l’efficacité douteuse.

Durant le confinement, les Japonais avaient découvert avec stupeur que les hôpitaux envoyaient par FAX aux autorités les rapports quotidiens des cas de contamination au Covid19. Des FAX traités et triés à la main. Enfin, en 2019,  le cabinet KPMG USA avait classé le Japon à la tête des pays les plus restrictifs en matière de réglementation sur les transports de personnes.      

NIKKEI 14/07/2020   (sources 【レトロ規制が成長阻む 無人コンビニや薬処方に制限革新後進国(1) 】、【法の壁は超えても走れないライドシェア】)

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