Le paiement comptant des royalties, un frein à l’incubation des startup japonais

Des obstacles de tailles freinent actuellement le développement des startup incubées par les universités et qui commercialisent les technologies mises au point par celles-ci.

La raison est simple. Les universités exigent à leurs startup le paiement en espèce des droits d’utilisation des technologies dès le lancement de leurs activités, alors même que ces jeunes entreprises ont peu de trésoreries.  Tandis qu’aux Etats-unis où il est courant que près de la moitié des stratup des universités rémunère leurs investisseurs en actions en pariant sur leur potentiel de développement futur, la pratique des universités japonaises compromettent sérieusement le décollage des jeunes entreprises.

Incapacité à évaluer le potentiel commercial

« Les brevets n’ont de valeur que s’ils sont vendus sur le marché ce qui contribuera à remplir les caisses des universités. Si celles-ci s’obstinent à exiger le paiement des royalties en espèce avant même le lancement sur le marché, alors cela n’a aucun sens », tel était l’avis le plus partagé lors d’un forum pour les start-up sur le droit d’utilisation des propriétés intellectuelles qui s’était tenu à l’université Ochanomizu au début du mois et organisé par le Comité de réflexion des transferts de technologies des universités.

En étayant sa propre expérience houleuse avec l’université de Kyushu, le CEO de Kyulux spécialisé dans les nouveaux matériaux DEL, M.ADACHI Junji exhorta les universités à abandonner leur pratique pénalisante aux activités de nombreux start up. En 2016 en à peine un an après son lancement, il eut de vifs échanges avec l’université pour lever 150 Millions JPY de fonds. En effet ADACHI s’est retrouvé coincé entre les fonds de capital-risque qui exigeaient la garantie d’utilisation libre des brevets en échange de financement de son projet d’un côté, et l’université qui exigeait un paiement immédiat des royalties en espèces de l’autre. Il a pu finalement s’arranger avec cette dernière en s’engageant à lui verser une partie des bénéfices sous forme d’actions. C’était tout de même une expérience déplaisant qui marqua profondément ADACHI.

Selon le ministère des finances et de l’industrie, en 2016, le Japon comptait seulement 3 starts up ayant rémunéré les universités en actions et 22 sous forme de stock-options. Ces cas représentent seulement 1% de l’ensemble des 2000 starts up issus des universités. 

La gestion de trésorerie est un vrai casse-tête pour les jeunes entreprises.

Un dirigeant qui a créé son entreprise il y a un an crie au secours : « 60% des fonds levés servent à payer les droits d’utilisation des propriétés intellectuelles. Il ne reste plus de trésorerie pour consacrer en R&D. ». A peine avoir levé 80 Millions JPY grâce aux fonds de capital-risque qu’il doit payer près de 50 Millions JPY en royalties et en dépôt de brevet ce qui le pousse aussi tôt à repartir pour une nouvelle levée de fonds.   Il ne cache pas son angoisse.  En 2017 le nombre des startup nés dans les universités japonaises a baissé de moitié par rapport à l’année précédente, avec 100 lancements de nouvelles entreprises contre 50 un an plus tôt.

La principale raison en est l’obligation faites à ces jeunes entreprises de payer immédiatement les royalties pour l’utilisation des brevets ce qui provoque à coup sûr le manque de trésorerie.

Tandis qu’aux Etats-Unis où naissent chaque année près de 1000 startup dans les universités, la moitié de ces entreprises rémunèrent leurs incubateurs avec leurs propres actions en guise de royalties. Les universités pourront ainsi parier sur la valorisation future des actions souvent bien supérieure aux droits d’utilisation des brevets qu’elles auraient perçu avant l’introduction à la bourse.

Il s’agit d’un cercle vertueux de financement qui contribue au développement des universités elles-mêmes. C’est le cas de la célèbre Stanford qui empocha autrefois près de 300 millions USD de bénéfices, ce qui avait permis de constituer des fonds pour ses propres recherches et de former de nouveaux entrepreneurs.

La pratique des universités japonaises montre leur lacune dans la prospective. Un responsable d’université avoue qu’« il est possible de donner notre accord à la rémunération sous forme d’actions ou de stocks options, seulement  si les fonds de capital-risque ,l’autre financeur de projets, garantit la viabilité des projets en premier lieu». En réalité il est rare que des dirigeants issus des entreprises siègent au conseil des universités ce qui explique la difficulté pour celles-ci d’évaluer le potentiel futur des starts up qu’elles incubent.

Une prémisse de changement à Todai (Université national de Tokyo)

 Conscient des retards pris aux Américains, certaines universités réagissent.

C’est le cas de l’université Todai.  A travers TLO sa filiale de gestion des transferts de technologies, l’université a passé un contrat de transfert pour 14 projets en échange de cession des actions des startup qu’elle soutient. 2 entreprises ont été introduites à la bourse de Tokyo par la suite.  M.YAMAMOTO Takashi, CEO du TLO affirme : « pour certains projets, j’ai donné mon feu vert avant même que les fonds de capital-risque ne décident du financement ». Cet ancien de Recruit détecte le potentiel commercial d’un projet et est entouré d’autres dirigeants issus eux-aussi du monde des entreprises.

  Selon TLO, les starts up ne représentent que 3% de l’ensemble des entreprises à qui les universités japonaises concèdent le transfert de technologies, les reste est constitué de grandes entreprises dotées de moyens de financement propre. Cette proportion atteint pourtant 30% aux Etats-Unis. YAMAMOTO d’ajouter : « si les grandes entreprises sont les seules à pouvoir payer les droits d’utilisation des brevets, alors les startup ne pourront pas se développer. Il est aussi important de déceler le potentiel commercial des jeunes entreprises et de leur montrer que nous sommes aussi disposés à prendre les risques ».

En 2016 les royalties collectés par les universités s’élevaient à près de 3 milliards JPY, ce chiffre a triplé en 10 ans. Toutefois, la part des rémunérations en actions ne représente que 10%.  Pour favoriser le développement des startup il faut que les universités continuent à embaucher les professionnels issus du monde des entreprises qui puissent évaluer les potentiels futurs des jeunes entreprises.

(Source NIKKEI 06/09/2018 スタ-トアップが育たない大学の現金主義)