Les onigiris montent en gamme 

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Les onigiris montent en gamme. En demi-siècle les habitudes alimentaires des Nippons ont beaucoup changé comme en témoigne la baisse des ventes du riz dans l’archipel. Si les Japonais consomment moins de riz , celui-ci a été remplacé par d’autres aliments comme le pain. Néanmoins, les adeptes d’Onigiris (triangle de riz enveloppé dans une feuille d’algue séchée, l’équivalent du « jambon beurre » en France) restent nombreux. Ils exigent aussi des produits de qualité.  

   Un paradoxe entre la baisse de consommation et la hausse du prix

   Aujourd’hui, on estime à 53.8 kg la quantité de riz consommé dans l’archipel par an et par habitant, un volume moitié moindre que durant les années soixante où chaque Japonais consommait en moyenne 105 kg par an. Les Nippons sont nombreux à évoquer la cuisson de riz comme une tâche fastidieuse et préfèrent le pain plus pratique et plus adapté au rythme de vie moderne.

Le paradoxe est qu’en dépit de la baisse de consommation, le prix continue de grimper car 1 hyo de riz (unité de transaction équivalant à un sac de riz, 1hyo =60kg) coûte sur le marché 15819 JPY (131.8 EUR) , après cinq années de hausse consécutive.  En fait, il s’agit d’un résultat d’une politique de subvention accordée aux riz destinés au fourrage ou à l’utilisation non alimentaires. Ainsi, l’Etat a délibérément réduit la quantité de riz alimentaire en circulation ce qui a contribué à la baisse générale de la consommation de celui-ci.

   A la recherche d’une stratégie marketing adaptée

Au Japon il n’existait plus que 250 grossistes de riz en 2016 contre 400 une dizaine d’années plus tôt.   M.Takahiko KAWANISHI, grossiste gérant de Kohnan Shokuryo (Osaka) constate qu’ il ne peut plus se contenter  d’attendre que les clients viennent à lui sous prétexte que le riz est indispensable dans les habitudes alimentaires des Japonais.  Ainsi, Il est de ceux comme tant d’autres congénères qui réfléchissent à redonner de la valeur au plus vieil aliment de la cuisine japonaise.

Or, ce sont les supermarchés et les restaurateurs du snacking qui ont été les premiers à réagir. En effet, ils ont montré que redonner de la valeur aux traditionnels onigiri associés au repas de pique-nique populaire d’autrefois, était le moyens le plus simple pour reconquérir les consommateurs qui s’éloignent de la cuisine japonaise.

Quantité de riz consommée par les Japonais

53.8 kg par an par habitant (-50% en 50 ans)

Le nombre d’onigiris vendus par les kombini

6 milliards par an

 La chaîne de kombini SEVEN ELEVEN (supérettes de proximité ouverte 24h/24h), à elle seule écoule chaque année 2.27 milliards d’onigiris dans ses 21 010 magasins de l’archipel.  Par ailleurs, près de 6 milliards d’onigiris, sont écoulés dans les kombini toutes enseignes confondues, soit 48 onigiris consommés par an et par habitant (contre 2.6 milliards de sandwiches vendus en France en 2018). Sa taille et sa forme triangulaire ou ronde (en boulette) sont très pratiques pour déjeuner sur le pouce, surtout pour les employés de bureaux pressés. Sa popularité n’en dément pas. 

Toutefois, les clients exigent des produits de qualité et ne se contentent plus d’un snacking à portée de main. Alors, en plus de proposer des ingrédients riches et variés, SEVEN ELEVEN a tenté une montée en gamme de ses produits en ne choisissant que des grains de riz de taille uniforme pour chaque onigiri fabriqué. En somme, un travail minutieux de sélection qui garantit un polissage homogène de riz qui sera plus goûteux à la cuisson.

    Les consommateurs ne semblent, pour autant, pas prêts à payer plus de 130 JPY (1.08 EUR) par onigiri car les kombinis ont pendant plus de trente ans, réussi à rationaliser les procédés de fabrication, de conditionnement et d’emballage.

La montée en gamme

   D’autres parient sur la montée en gamme comme en démontre le boom actuel du restaurant Onigiri Asakusa Yadoroku, le plus vieil établissement d’onigiri de Tokyo qui propose depuis cinquante quatre ans des recettes maison préparées soigneusement à la main sous le regard attentif des clients. Une maison minuscule comme tant d’autres du quartier populaire d’Asakusa où les clients s’attablent au comptoir à l’instar des restaurants de sushis. Sauf qu’ici, le chef M.Yosuke MIURA propose un choix de près de vingt recettes d’onigiris transmises depuis trois générations. Des traditionnelles prunes salées au saumon grillé, en passant par la bardane des montagnes, le chef travaille les ingrédients frais avec dextérité en les roulant dans une poignée de riz avant de les envelopper dans une feuille d’algue séchée et croustillante.  

En 2018, Il a été élu parmi les restaurants Bib Gourmand du Guide Michelin.  Pourtant, le restaurant ne propose pas de menus à moins de 680 JPY (5.6 EUR) et le plus cher est à 920 JPY (7.6 EUR) . Tous composés de deux ou trois onigiris accompagnés de soupe miso. Clairement, il s’agit d’une offre premium et le chef assume sa stratégie d’écrémage. Son établissement ne désemplit pas.

 Compte tenu de la hausse du prix du riz, les établissements de ce type illustrent le repositionnement d’un plat populaire voué à se réinventer. Tout comme les grandes capitales occidentales où les hamburgers et les sandwiches premium sont devenus à la mode, Tokyo est en train de réinventer son snacking populaire.

NIKKEI 20/10/2019 (Source おにぎりの【適正価格】ミシュラン店の問題提起)

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